Rosario est allée rendre visite à Marie Angèle, dans la zone d’invasion d’Alto Trujillo. Elle nous raconte l’histoire douloureuse de cette famille :
« Maria Angela a 36 ans, elle vient de la zone andine de La Libertad, son village natal est Huaranchal (à 8 heures de route de Trujillo). Elle a eu un premier mari, dont elle s’est séparée après la naissance de sa fille ainée Jocelyn, qui a aujourd’hui 16 ans et est en 3ème année de secondaire.
De son second mari, elle a eu 3 fils (Miguel 11 ans, Julio 7ans et Frank 5 ans, tous scolarisés). Dans son village, elle travaillait dans l’agriculture, à 2 heures de chez elle, et de ce fait, s’absentait tous les jours de sa maison, laissant ses jeunes enfants à la charge de Jocelyn.
Mais un jour, le beau-père a attaqué la gamine et l’a violée, et il a recommencé à plusieurs reprises, la menaçant de la tuer si elle parlait. Elle avait 11 ans et lui 29. Par peur, Jocelyn n’a pas raconté à sa mère, et celle-ci ne s’est rendu compte de rien, jusqu’à ce que sa fille soit à 5 mois de grossesse. Quand elle lui demanda qui était le père, elle refusa de répondre, mais elle finit par lui confesser que le beau-père ainsi qu’un cousin de 20 ans l’avaient attaquée, et que le beau-père la menaçait de les tuer tous si elle le dénonçait.
Marie-Angèle, effondrée par ce qui arrivait à sa fille, fit des reproches à l’homme, qui la menaça avec une arme. Les enfants étaient terrorisés, mais Marie Angèle décida de le dénoncer. Elle le fit discrètement, alors qu’il s’absentait pour son travail et ensuite, elle s’enfuit avec ses enfants à Trujillo, venant habiter chez une de ses sœurs, à Alto Trujillo (c’est elle qui est venue inscrire les enfants au centre).
Elle y a vécu 4 mois, puis elle a cherché un lot dans la zone d’invasion où elle vit actuellement avec ses 4 enfants et le bébé de Jocelyn qui a un an et demi.
Pour subvenir à leurs besoins, Marie Angèle va faire le ménage dans des maisons à Trujillo. Durant les vacances scolaires, elle travaille dans une fabrique d’asperges, ensuite elle ne peut plus car le matin, elle s’occupe du bébé, pendant que Jocelyn étudie au collège.
Quand Jocelyn sort du collège le midi, sa mère l’attend dans le centre avec le bébé qu’elle lui donne pour partir à Trujillo faire ses ménages, et Jocelyn attend ses frères qui terminent leur repas dans le centre, avant de repartir avec eux dans leur maison, où leur mère ne rentre qu’à la nuit tombée.
Mais le peu qu’elle gagne ne suffit pas pour les besoins de ses enfants, elle est très reconnaissante aux amis français grâce auxquels ses enfants sont nourris dans le centre nutritionnel. Le soir, elle leur fait un petit repas (parfois une soupe, ou du thé avec du pain).
Le procès pénal, suite à la dénonciation, a commencé en mai 2015, et à ce jour, il n’a pas beaucoup avancé. L’analyse ADN demandée par le juge et les investigations sur le cousin et le beau-père traînent en longueur car les 2 hommes se sont cachés, ils sont déclarés « inculpés absents », et ainsi, rien n’avance. Marie Angèle dit qu’elle attend « le châtiment et la justice de Dieu ».
Quand j’ai visité Marie Angèle, Jocelyn n’était pas à la maison, car elle était de sortie avec son collège. Alors j’ai profité d’un jour où elle attendait ses frères pour la photographier avec son bébé.
Comme vous voyez, c’est une situation très pénible pour Marie Angèle et pour ses enfants. Nous serons à ses côtés, l’aidant autant que nous le pouvons, pour le bien des enfants. Nous espérons pour eux un meilleur avenir. »
Depuis cette visite (début 2016), Rosario a pris Jocelyn et son bébé dans le centre, en plus de ses trois frères, ce qui est une grande aide pour la famille. Elle souhaite aussi aider et protéger Jocelyn, afin qu’elle se reconstruise dans la confiance.