Depuis la fin de la quarantaine, les contaminations sont reparties à la hausse à un niveau élevé. Les hôpitaux sont débordés et manquent de tout, les gens meurent chez eux. L’activité économique reprend au ralenti, beaucoup ont perdu leur emploi. A Trujillo, le froid est intense. Les distributions d’aliments sont plus que jamais vitales pour nos familles dont certaines sont même touchées par la maladie.
Rosario nous raconte la peur omniprésente :
Le 29 juin :« Samedi, Gloria a appris la mort de son grand-père. Il avait 94 ans et vivait avec une de ses filles. Celle-ci ne s’est pas rendue compte que son père commençait à tousser d’une manière de plus en plus insistante. En 3 jours son état a empiré, il semble qu’il s’est étouffé, et le matin, il était mort. Tous ont suspecté qu’il était mort du covid. Aussi Gloria a très peur d’avoir été contaminée car elle a aidé ses proches dans les formalités de sépulture.
En fait ils n’ont pas pu l’enterrer dans le cimetière de la zone, car la population voisine interdit l’enterrement des morts suspectés d’être morts du virus. En effet les gens n’amènent plus leur malade à l’hôpital par crainte que, une fois mort, il ne soit incinéré sans laisser la famille le voir. Alors quand il décède, ils ont recours à un médecin connu qui se charge de certifier le décès en le justifiant par une autre cause, en échange d’un supplément que les familles payent pour pouvoir enterrer leur mort normalement.
Grâce à ce médecin, son grand-père a été enterré ce matin dans le cimetière de Florencia de Mora, avec la présence d’un nombre limité de personnes de la famille à cause de l’épidémie. C’est ainsi que beaucoup de morts du Covid ne sont pas comptabilisés dans les chiffres du gouvernement.
Dans la zone de notre centre d’Alto Trujillo, la contagion est très forte. Plusieurs mamans d’enfants de notre centre ont des toux suspectes, dont Rocio, voisine de Gloria. Hier, quand Maria a distribué les sacs de vivres aux parents, Rocio s’est mise à tousser, et ceux qui étaient là l’ont regardée effrayés, alors Maria lui a demandé de rentrer chez elle et d’envoyer un de ses enfants pour recevoir le sac. Elle a eu très peur !
À El Porvenir, dans la rue où se trouve notre centre, il y a eu 7 morts, ils n’ont pas été amenés à l’hôpital et sont morts chez eux, mais tous avaient le Covid. C’est pourquoi Eugenia aussi a très peur de la contagion. »
Désormais les distributions de vivres se font à la porte du centre par sécurité
Le 27 juillet, pour la 5ème distribution depuis le début de la pandémie, une table était installée à l’entrée du centre d’Alto Trujillo, et les parents ont reçu leur sac à la porte, après avoir lavé leur main et signé le reçu. Gloria a dû renvoyer un père récalcitrant qui refusait de se laver les mains et de remonter son masque sur son nez (c’est sa fille qui est venue chercher le sac). Mais les autres parents ont bien suivi les consignes et manifesté leur reconnaissance pour ces aliments qui sont une grande aide pour leurs enfants.
La crise sanitaire, sociale et alimentaire s’amplifie
Le 11 août : « Actuellement la situation ici est très mauvaise, les cas de contagion se multiplient, les emplois se font plus rares, les entreprises ont rouvert, mais les gens n’ont pas de quoi acheter, même les boulangeries ne vendent pas tout leur produit.
Des cuisines communes se sont créées qui profitent de dons de produits de la part d’entreprises, de particuliers ou d’églises (Caritas), ce qui aide beaucoup les pauvres gens des zones les plus éloignées, comme celles d’Alto Trujillo (plus de 600 cuisines).
Les parents de nos centres manifestent leur reconnaissance envers vous, car ils disent que les sacs de vivres sont une grande aide pour eux qui ont très peu de ressources. Amis, au nom des parents je vous dis merci. »
Le 13 août, le gouvernement décrète une nouvelle quarantaine
Les rassemblements familiaux et sociaux sont interdits, et le dimanche, seules les sorties indispensables sont autorisées. La quarantaine totale subsiste pour 5 départements et 34 provinces les plus touchées. La Libertad n’en fait pas partie, bien que les contaminations et le taux de mortalité y soient très élevés.
La prochaine distribution de vivres à nos familles aura lieu samedi 29 août.
La préparation des sacs est un gros travail, ce sont des centaines de kilos d’aliments qu’il faut répartir aux 55 familles de nos centres.
Rosario aidée de sa soeur Consuelo pèse et prépare des sacs de différents aliments (flocon d’avoine, lentilles, haricots, farine, pâtes…). Eugenia vient les chercher et y ajoute ceux qu’elle a préparés (riz, sucre, huile, thon, galettes…) ainsi que des produits d’entretien, pour confectionner les sacs d’environ 15 kilos qui seront distribués le lendemain.
Quand c’est le tour de Consuelo de préparer une distribution pour les familles de ses deux centres de l’association Para Ellos, c’est Rosario qui aide sa soeur. Toutes deux ne chôment pas !
« On s’organise. Tout en pesant et remplissant les sacs, nous devisons, nous rions, et quand c’est terminé, nous sommes bien fatiguées mais satisfaites de savoir que tous les parents vont être contents ! »