Le centre d’Alto Trujillo :
Lundi 13 avril, tôt le matin, nous partons avec Rosario en « combi » (ou micro-bus), et nous arrivons au Mercado de Santa Rosa, pour faire les courses. Achat de 4 gros poulets, ce sera la viande pour la semaine, 50 pommes, 50 clémentines (qui remplissent nos sacs à dos). Rosario achète aussi des pommes de terre, des oignons, du maïs, un ananas, des légumes pour la soupe, du riz, quinoa, avoine, farines, sucre… Les sacs sont de plus en plus lourds, mais un vendeur nous aide, il a l’habitude, Rosario lui laisse les sacs pleins pour continuer ses courses, et à la fin, c’est lui qui les apporte au bord de la route, où nous attendons un taxi pour Alto Trujillo.
Bonne surprise, la piste a été goudronnée presque jusqu’à notre centre. La chargée de centre Melisa, qui n’est là que depuis février, nous accueille, souriante, et nous fait visiter le centre transformé par les récents travaux. Le réservoir d’eau remplit son office pour la satisfaction de tous. Dans la cuisine, spacieuse et bien disposée, il reste encore à faire le sol en ciment.
Après avoir tout rangé, nous repartons en combi vers l’hôpital pour y retrouver Gloria et Arturo qui a son rendez-vous médical. Les salles d’attente sont pleines de gens qui font la queue ou attendent qu’on les appelle. Gloria et Arturo en font partie. Arturo nous fait une démonstration de marche avec et sans béquilles. Enfin il est appelé. Le médecin constate que son pied droit s’affaisse en dedans, il prescrit des tiges à mettre à ses chaussures pour le redresser. À la sortie, je le fais marcher avec une seule béquille, comme le veut le médecin, ce qui l’oblige à bien poser ses pieds, et il le fait sans problème, mais Gloria arrive, lui donne l’autre béquille, et le voilà qui part en sautillant. Nous remarquons avec Rosario qu’il pose à peine ses pieds au sol, ce qui muscle surtout ses épaules.
Nous repartons en taxi pour Alto Trujillo, où des enfants sont déjà à table, ce sont ceux qui ont école l’après-midi dès 12h30. Carlito le fils de Mélisa (2 ans) évolue dans la salle, à l’aise avec les plus grands. Au menu, aji de poulet avec riz, soupe de légume et pomme, avec un rafraichissement de maracuya du jardin (fruit de la passion). Les enfants viennent se servir dans la cuisine, mais pour les plus petits, Melisa ramène l’assiette de soupe pleine. Elle apporte aussi les verres pleins. « Elle est souriante et elle parle avec les enfants, elle les connaît bien » nous dit Rosario.
Je suggère aux arrivants d’aller se laver les mains avant de manger (ils le font au robinet de la cuisine). Les enfants nous embrassent en arrivant et en repartant. Je retrouve ceux qui étaient déjà là en 2010, comme Ruth et Dayana, qui se souviennent de notre première venue. A Jordi, Andi et Estalin qui nous ont écrit, je dis que leur lettre nous a fait plaisir. Plusieurs enfants sont brigadiers, c’est-à-dire qu’ils ont été distingués par leur travail, leur comportement ou leur responsabilité dans leur classe. Ils arborent fièrement un cordon à l’épaule, rouge, or ou vert et un bâton blanc.
Le papa de Mandy et Elton vient avec ses deux plus jeunes enfants, dont José qui est inscrit au centre. Il attend qu’il ait fini de manger pour repartir avec lui.
Nous saluons un autre papa qui passe près de notre centre, celui d’Andy et Jordy, qui élève ses enfants avec beaucoup d’attention, handicapé par l’accident qui a coûté la vie à sa femme. Une petite école, tenue par une ONG, a pris ses enfants, ce qui est une aide pour ce papa. Ses deux enfants sont de bons élèves (Jordy est même premier de sa classe), et il vient souvent s’enquérir de leur comportement auprès de Rosario, qui n’a qu’à se louer d’eux. Plus tard, nous verrons sa « maison » dans la zone d’envahisseurs, une des plus pauvres, sans eau, sans confort, et nous serons encore plus admiratifs envers ce père qui tient ses enfants bien propres et bien élevés.
Depuis notre dernière visite, une construction à étage s’est implantée non loin du centre, c’est une entreprise de confection de chaussures. Ici, beaucoup de gens travaillent dans ce domaine, souvent à la maison. Nous notons aussi que des jeux (payants) se sont installés, machines à jeux vidéo, ère de jeux de ballons… La zone d’envahisseur s’étend à présent jusqu’en haut de la crête, certains de nos enfants en viennent. De l’autre côté, les enfants les plus pauvres vont dans le centre de Consuelo (de l’association Para Ellos du MIAE), que nous visiterons demain mardi…
Le mercredi, nous revenons à Alto Trujillo, pour assister au soutien scolaire. Ils sont une dizaine d’enfants. Gloria va de l’un à l’autre, donne des exercices à faire pour chaque niveau. Elle utilise le tableau de gauche pour les enfants de niveau 2, et celui de droite pour ceux de niveau 1. Dans l’ensemble ils participent bien, posent des questions et montrent souvent leur cahier à Gloria pour savoir si c’est bon. Mais un enfant, en difficulté, essaie de se faire oublier, attendant qu’elle vienne à lui, et les explications qu’elle lui donne ne semblent pas suffisantes pour qu’il comprenne. A la fin, Gloria entourée des enfants, revoit chaque cahier et donne ses appréciations et ses conseil. Ils repartent tout joyeux.
La vidéo prise à Alto Trujillo
Le centre d’El Porvenir
Jeudi 16 avril, lever 6h15, et départ en taxi sans avoir déjeuner, pour assister au petit déjeuner des enfants au centre d’El Porvenir. Quand nous arrivons, les premiers enfants sont là. Embrassades rapides d’Eugenia et Flora, bien occupées à beurrer les petits pains et servir la boisson chocolatée aux enfants.
Des petits arrivent tout ensommeillés, conduits par leur mère qui doit partir tôt au travail. Il leur faut un long moment avant qu’ils ne se mettent à manger.
Quand les enfants sont partis, nous déjeunons avec Eugenia, Flora et Julio. Le pain, qui vient de chez la voisine, est délicieux, c’est le meilleur que nous ayons mangé. Puis nous partons avec Rosario faire un tour dans le quartier.
Derrière une fenêtre nous voyons une famille qui met la canne à sucre en rondelles et en paquet, nous leur en achetons 2. Rosario reconnaît le jeune qui fait l’épluchage, c’est un ancien du centre. Devant le commissariat, un policier nous arrête pour nous dire de faire attention aux vols, il envisage même de nous escorter, avant de nous laisser partir. Nous arrivons sur une hauteur dénudée et pleine d’immondices, d’où l’on aperçoit Alto Trujillo au pied du mont Cabras et de la colline Bolongo.
Dans le marché très animé, les gens nous arrêtent pour savoir d’où nous venons, ils nous remercient de les visiter et veulent être photographiés.
Retour au centre où les enfants commencent à arriver pour le repas de midi. Ils veulent tous être photographiés. J’aide le petit Anderson à manger sa soupe, et Eugenia fait de même avec des petits.
Une cliente de la boutique de Julio, ancienne du centre, voit Rosario et vient l’embrasser. Elle lui raconte qu’elle est modiste.
Sur ma demande insistante, nous partons avec quelques enfants pour voir leur maison.
Nous retrouvons vite le même type d’habitat qu’à Alto Trujillo : des zones de sable et de détritus, des maisons en briques sèches souvent non terminées.
Certaines maisons affichent « vente de glaçons ». Il y a aussi des ventes de glaces et sorbets dans les rues, en plein soleil. La mamie de Cristofer nous fait entrer chez elle. Sa maison, bien propre, comporte juste une table et un vélo dans la pièce principale. Cristofer a été abandonné par sa mère à la naissance, il vit avec sa mamie âgée. C’est un enfant très ouvert, curieux et bavard. Son copain Deivi aux joues rondes habite en face. Les deux copains nous accompagnent jusqu’au bout, nous posant des questions sur notre vie, notre maison, nos appareils photos…
Nous franchissons encore une zone de sable et d’ordures, conduits par les enfants, et nous arrivons chez Carlita qui nous a accompagnés avec entrain, tirant son cartable-caddy rose dans le sable et sur les talus. Son grand frère, Rivaldo est là, en train de se laver à l’eau qui coule d’un tuyau au pied d’un arbre.
C’est l’enfant sourd-muet qui était dans notre centre jusqu’à l’an dernier, et avait fait des progrès pour parler à partir du moment où sa mère avait pu l’inscrire dans une école spéciale pour sourds muets (école payante). Sa mère nous accueille, femme au visage triste. Elle nous parle tout en continuant à coudre des chaussures de cuir pour un fabricant (c’est un travail difficile et peu payé). Elle est séparée de son mari et la maison a été coupée en deux. L’intérieur est sombre, encombré de lits superposés. Carlita nous montre leur adorable petit chien. Dans toutes les maisons, il y a des animaux qui sont de véritables compagnons pour les enfants.
De retour au centre, nous prenons notre repas avec Eugenia, Julio, Flora et David. Eugenia et Flora nous ont préparé un repas typique du Pérou dont nous nous régalons. Je distribue les cadeaux apportés de France. De temps en temps, je vois Eugenia étirer son dos dont elle souffre toujours.
Le lendemain, vendredi, nous revenons l’après-midi pour assister au soutien scolaire.
À notre arrivée à 15h15, 2 enfants sont là avec Esther. C’est Esther qui a décoré le local en vue de la fête du lendemain. Les enfants arrivent sans se presser, certains à 15h45. À la fin, Rosario leur rappellera avec sévérité qu’ils doivent arriver à l’heure.
Ils sont une douzaine regroupés autour d’Esther, ils l’écoutent bien et participent. Pour commencer, petit exercice sur les « palabras magicas » où chacun participe puis inscrit son mot sur une fleur qui est affichée. Ensuite on passe aux mathématiques. Les grands (5ème niveau), regroupés à gauche, font des problèmes, tandis que les enfants de 3ème niveau, à droite font des opérations.
Quand il s’agit de multiplier par 9, visiblement le gamin à côté de moi ne sait pas sa table. Qu’à cela ne tienne, il additionne 9 fois et finit par tomber juste. Une fillette de 3ème niveau ne sait faire aucun des exercices, elle n’essaie même pas, et plus tard, Rosario suggère de la faire venir avec le niveau 2 pour qu’elle puisse suivre et progresser, mais Esther ne semble pas de cet avis.
Après une photo de groupe, nous repartons : « à demain ! »
La vidéo prise à El Porvenir
Samedi 18 avril : la fête du 30ème anniversaire de nos centres !
Quand nous arrivons au centre d’El Porvenir, il y a un attroupement sur le trottoir. Toutes les maisons ont été enfumées par les services municipaux contre le moustique de la dengue, et les gens attendent avant de pouvoir y rentrer.
Quelques enfants sont déjà là,. Les tables ont disparu chez la voisine et les bancs sont contre le mur. Enfin nous pouvons rentrer.
Les enfants sont de plus en plus nombreux sur les bancs et certains doivent s’assoir par terre quand les 35 enfants d’Alto Trujillo arrivent avec Melisa et Gloria, puis ceux du centre de Consuelo avec Maria, Victoria, les chargées de centre, leurs filles et d’autres enfants. Shirley vient me saluer, riant de ma surprise car j’ai du mal à la reconnaître. A 14 ans, c’est une jeune fille.
A la cuisine, Eugenia et Flora s’activent pour nourrir plus de 80 enfants sans compter les adultes. Bientôt elles sont aidées par Melisa, Maria et Victoria. Au menu : pop-corn, timbales de riz poulet avec une sauce aux herbes (délicieux), et comme boisson chicha morada. Dans la courette, les danseuses se préparent, Gloria les maquille. Esther qui va être la meneuse de jeu, vérifie le programme en 12 points avec les uns et les autres.
Après les mots de bienvenue, Rosario parle de ces 30 années au service des enfants et remercie l’association. Ensuite, Esther annonce les danses et les chants qui se succèdent. Dans le désordre :
- danses salsa par Shirley, Marie-Cielo et Stefany, toutes trois anciennes du centre.
- danses plus traditionnelles de marinera avec les jeunes du centre de Consuelo, puis avec Shirley et Marie-Cielo (la fille de Gloria).
- danse quimbara avec 6 petites qui virevoltent, dont Carlita.
- des chansons, des poésies…
- Arturo, debout avec ses béquilles, parle d’une toute petite voix pour nous remercier. « Il est très respecté par les enfants » nous dit Rosario.
Bientôt le repas commence avec le pop-corn, puis le riz. À la fin je distribue les bonbons apportés de France, repérant ceux qui essaient d’en prendre deux, puis les cadeaux sont tirés au hasard par les enfants qui ont participé au spectacle ou à notre visite, pour les récompenser : petits bijoux pour les filles, porte-clés, porte-monnaie ou autre pour les garçons.
Après encore beaucoup de photos et d’embrassades, les enfants partent, on raccompagne ceux d’Alto Trujillo jusqu’au bus. Melisa nous serre dans ses bras.
Nous restons avec Esther, Eugenia, Julio et Rosario autour d’un verre de chicha morada. Esther nous demande comment nous avons trouvé la fête. Nous parlons avec elle des changements que nous avons trouvés depuis notre première visite en 2010. Avant de partir elle nous dit « à dans 5 ans ! ». Au mur est écrit « revenez-vite, nous vous attendons ».
Dernière soirée avec Consuelo et Rosario. Le lendemain, nous repartons avec des cadeaux pour tous, et tant de choses à raconter. Mais ce qui domine, c’est la joie partagée, l’affection reçue, la curiosité mutuelle, la reconnaissance…